Messiah

Oratorio mis en scène

« Mais qui pourra soutenir le jour de sa venue ?
Qui restera debout quand il paraîtra ? »

Le Messie est l’œuvre par son échelle la plus ambitieuse de Haendel : elle ne met pas en jeu un événement historique, mais l’histoire elle-​même – la fin de l’histoire, la fin des temps.

Cependant, en tant que compositeur d’opéra, Haendel aborde le sujet de la manière qui lui est la plus familière : en psychologue concentré sur la perspective humaine. Il trouve dans l’ancienne tradition messianique – l’idée que quelque chose ou quelqu’un peut et doit interrompre toute cette folie, et que les signes de son approche se multiplient –​des nuances qui nous semblent aujourd’hui familières : l’espoir d’une révolution et d’une rédemption, mêlé au plaisir pervers que l’on peut tirer de la perspective d’une apocalypse, ou encore ce mélange très particulier de dépression et de burnout.

La nature idéologique du livret de Charles Jennens, qui perpétue la traditionnelle recontextualisation chrétienne des écritures juives en prequels du Nouveau Testament, est en elle-​même rachetée par le talent psychologique de Haendel et son choix de proposer un théâtre non pas du Messie lui-​même, mais de son attente, dramatisée par quatre personnages anonymes et une foule, vus de près mais aussi comme de petites figures dans un vaste paysage, à la façon des peintures dont Haendel était collectionneur. Le drame de l’esprit élaboré par Haendel ne vieillit pas car, comme Walter Benjamin le rappelait à ses contemporains au 20^e siècle, « chaque génération reçoit un faible pouvoir messianique », le pouvoir de faire la différence, et chaque naissance est une possibilité que le monde ne soit pas la continuation de la même catastrophe. Le Messie nous force à nous confronter à la perspective la plus terrifiante dans l’attente que le monde soit détruit et/​ou sauvé : que c’est à nous de décider de la prochaine étape.

Aleksi Barrière

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